Elections européennes 2014

Publié le par Céline Martin

Le casse-tête des nominations au sommet de l’UE

 

europeLa compétence n’est pas le meilleur des atouts pour décrocher l’un des postes à respon- sabilité des institu- tions européennes. Mieux vaut miser sur les spécificités de la politique de l’UE : un torrent de diplomatie pour une once de démo- cratie.


 

Le 27 mai, c’est-à-dire deux jours après les élections européennes, les chefs d’État et de gouvernement se retrouvent à Bruxelles. Au menu des discussions, le grand mercato à la tête des institutions européennes.


Quatre postes sont à pourvoir d’ici la fin de l’année 2014 : présidents de la Commission et du Conseil européen, Haut représentant pour les affaires extérieures et président du Parlement.


Contrairement à une élection nationale où des règles permettent de distinguer le vainqueur du vaincu, à Bruxelles, la décision est plus complexe.


Avant même de s’intéresser à la politique, l’origine des candidats est à prendre en compte. Les chefs d’État et de gouvernement ont beau louer la diversité culturelle au sein de l’UE, quand des postes à responsabilité sont en jeu, ils sont moins ouverts.


Pas question par exemple de confier tous les postes à des personnalités de l’Ouest, c’est-à-dire aux « vieux membres ». L’Est réclame sa part du gâteau et, à ce jeu-là, c’est la Pologne qui mène la danse.


À Bruxelles, personne n’ignore que l’actuel ministre des Affaires étrangères polonais, Radosław Sikorski, est candidat à la succession de la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton.


Les récentes tensions avec la Russie, liées à la situation en Ukraine, pourraient de nouveau lui jouer des tours. Les Européens pourraient une nouvelle fois chercher l’apaisement avec Moscou.


L’antagonisme Nord/Sud est aussi à prendre en compte.


Après 10 ans de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, et la présence de l’Italien Mario Draghi à la Banque centrale européenne (jusqu’en 2019), il se peut que la partie septentrionale de l’UE n’obtienne pas grand-chose en 2014.


Mais rien n’empêche le Portugal, l’Italie ou l’Espagne de négocier leur soutien à tel ou tel candidat en échange de portefeuilles au sein de l’exécutif. L’Espagne serait intéressée par l’Agriculture.


Petits pays, grands pays


Pas question non plus que les grands États raflent la mise, les petits veillent au grain.


Certaines nationalités savent parfaitement utiliser cette opposition pour placer leurs pions. Les Belges, par exemple, ont une excellente réputation en raison de leur capacité à faire des compromis - sport national entre Flamands et francophones -, leur multilinguisme et leur bonne connaissance de la chose européenne.


La France et l’Allemagne y trouvent aussi souvent leur avantage, en s’assurant qu’aucune personnalité forte ne puisse leur faire de l’ombre à Bruxelles.


Ne pas oublier les femmes


En 2004, aucune femme ne disposait d’un poste parmi les trois hautes fonctions de l’UE de l’époque (la présidence du Conseil européen n’existait pas). En 2009, la Britannique Catherine Ashton a été désignée au dernier moment.


En 2014, les vingt-huit devront se plier à ce service minimum de la parité, même si cela ne facilite pas leurs petits calculs. La question d’une Commission européenne composée d’autant de femmes que d’hommes pourrait aussi être relancée. 9 femmes seulement (sur 28 commissaires) siègent actuellement au Berlaymont.


L’orientation politique


Jusqu’à présent, la principale force politique du Conseil européen obtenait la présidence de la Commission. La seconde, un lot de consolation comme le poste de Haut représentant.


Au Parlement, la gauche et la droite ont pour tradition de se partager la fonction de président, deux ans et demi chacune.


En 2014, les ambitions des députés vont toutefois compliquer l’équation. Le Traité de Lisbonne prévoit que les chefs d’État et de gouvernement tiennent compte du résultat des élections dans leur choix.


Les élus ont interprété cette nouveauté comme la naissance d’une démocratie parlementaire et souhaitent que les vingt-huit s’inclinent devant la coalition du parti qui émergera du scrutin (aucun parti seul ne peut obtenir 50 % des sièges).


Pour ne pas se faire imposer de personnalité dont elles ne voudraient pas, les capitales anticipent les coups et placent leurs favoris dans la course à la présidence de la Commission européenne organisée par les partis. Les principales formations ont accepté de désigner une tête de liste.


Le choix du PPE sera arrêté le 7 mars, lors de son congrès à Dublin. Soutenu par la chancelière allemande, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker a toutes les chances de l’emporter.


Dans leurs tractations en vue de réduire l’influence du Parlement, les chefs d’État et de gouvernement pourront aussi jouer sur le faible écart anticipé par les sondages. Le groupe du Parti populaire européen (PPE) obtiendrait autour de 210 sièges, les Socialistes et démocrates (S&D) environ 220.


La difficulté de construire de réelles majorités en dehors d’une grande alliance gauche-droite réduit encore un peu plus l’influence du Parlement face aux États qui se sentiront alors libres de placer les personnalités de leur choix.


Zone euro ou pas ?


La question se posait peu les fois précédentes. Avec le renforcement des pouvoirs de la Commission européenne dans la gestion de la monnaie unique, confier la présidence de l’institution à une personnalité issue d’un pays qui ne détiendrait pas l’euro est de moins en moins probable.


Celle qui pourrait en pâtir le plus est l’actuelle première ministre du Danemark, Helle Thorning Schmidt, en difficulté à Copenhague. L’un des partis de sa coalition de centre gauche a quitté le gouvernement en janvier et sa popularité est plus basse que jamais.


La presse danoise lui prête des ambitions bruxelloises en guise d’échappatoire. Son CV le lui permet : ancienne élève du Collège d’Europe, elle a été députée à Strasbourg de 1999 à 2004.


Toutefois, le Danemark n’a toujours pas adopté l’euro. Et, seul un référendum peut changer la donne.


L’eurogroupe en embuscade


Les Etats pourraient-ils profiter de cette période de chaises musicales pour également changer le président de l’Eurogroupe ? Le bruit court à Bruxelles. L’éviction du ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, pourrait dégager des marges de manoeuvre.


Et l’Otan…


L’organisation militaire est dissociée de l’UE, mais l’attribution du poste de secrétaire général influence les calculs. Les désignations interviennent à quelques semaines d’écart.


En 2009, la Pologne avait tenté d’y placer l’un de ses hommes. Un an après la guerre en Géorgie, Washington n’avait cependant aucune envie de mécontenter la Russie. Les relations entre Varsovie et Moscou sont souvent houleuses.


Les Polonais avaient obtenu, en guise de compensation, la présidence du Parlement européen. Jerzy Buzek, premier ministre de 1997 à 2001, a dirigé l’institution pendant deux ans et demi.


Quelle vision de l’Europe ?


Le président de la Commission européenne doit-il être un fervent partisan de toujours plus d’intégration, un leader politique doté d’une vision, ou un simple gestionnaire au service des États ?


Prenant soin de satisfaire les capitales, quitte à affaiblir l’influence de son institution, José Manuel Barroso a oeuvré pendant 10 ans dans la troisième catégorie.


À l’inverse, l’évocation du Français Jacques Delors, qui a dirigé l’exécutif européen de 1985 à 1995, bouclé le marché unique et mis l’euro sur les rails, provoque toujours un vent de nostalgie chez les fonctionnaires.


Aujourd’hui, le camp des fédéralistes place ses espoirs dans le libéral Guy Verhofstadt pour devenir le nouveau président de la Commission. Mais ses chances sont inexistantes. Son parti est trop faible (80 députés sur 751) et jamais les Britanniques n’accepteraient sa candidature. Ils s’y étaient déjà opposés en 2004.


En réalité, l’ancien Premier ministre belge viserait la présidence du Parlement. En choisissant de s’allier, soit avec les sociaux-démocrates, soit avec les conservateurs, les Libéraux ont les cartes en main pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

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